M. Pierre Fèvre-Renault, Alzheimer-Accueil 94,
nous communique le nouveau texte suivant,
daté du 05/09/2005 mais toujours d'actualité :
Notre société, si vigilante en matière de maltraitance de la part des proches du malade au domicile est particulièrement silencieuse quand il s’agit d’une maltraitance institutionnelle. Les problèmes de maltraitance à l’hôpital et en maison de retraite existent, et nous sont rapportés par les familles.
La maltraitance des personnes âgées dans ces établissements est souvent passée sous silence, car les familles en général ne se plaignent pas, de peur de voir leur malade en subir les conséquences. Cette maltraitance n’est pas assez dénoncée par les associations et les médias, lorsqu’il s’agit d’Alzheimer. Ces malades ne sont pas comme les autres en raison de leur incapacité à s’exprimer et à faire respecter leurs droits ; à ce titre ils devraient avoir un traitement particulier sur le plan médical de la prise en charge. Certains rapports dénoncent sous forme d’enquêtes statistiques la maltraitance à l’hôpital ou en maison de retraite des personnes dépendantes, mais rien ne change dans notre société pour lutter contre cette situation (rapport Debout 2002).
Maltraitance rapportée fréquemment par les familles, relative à l’alimentation d’un Alzheimer.
Celle-ci se rencontre plus souvent en secteur gériatrique des hôpitaux du secteur public. Lorsqu’il s’agit d’un Alzheimer isolé, sans famille et incapable de se nourrir seul car ayant perdu l’usage de la main, l’aide soignant peu scrupuleux pose parfois le plateau repas à côté du malade, ne le fait pas manger et reprend le plateau repas, intact une heure après.
Une telle situation est inadmissible et mériterait d’être portée en justice. Les raisons en sont connues : la première est relative au peu d’empathie de certains aides-soignants pour le malade, la seconde tient au manque de personnel et la troisième est institutionnelle. De telles situations pourraient être évitées, si un Alzheimer était pesé au moins une fois tous les 15 jours et son poids consigné sur un registre à l’usage des proches.
La lecture de ce registre par un tiers indépendant dans le cas d’une personne seule, sans famille, pourrait déclencher un signal d’alerte vers le personnel soignant. Ceci n’est pas le cas aujourd’hui et il est pitoyable de rencontrer parfois dans nos hôpitaux des malades alzheimer squelettiques, en raison d’une absence d’alimentation surveillée.
Maltraitance de la part des hôpitaux publics et des institutions, relative au problème des urgences.
Que constate-t-on aujourd’hui :
Un Alzheimer d’une maison de retraite nécessitant des soins urgents est orienté vers un hôpital du secteur gériatrique de rattachement ; celui-ci est confié généralement seul au VSL ou à l’ambulancier qui le dépose, comme un paquet, aux services des urgences (la maison de retraite n’ayant pas le personnel disponible pour accompagner le malade). N’étant pas capable de s’exprimer, cette personne n'est parfois pas enregistrée à la réception et si, par malheur, le dossier médical de suivi mis à disposition par le médecin coordonnateur de la maison de retraite n’est pas renseigné, l’Alzheimer est abandonné dans un couloir aux urgences, où il peut rester plusieurs heures sans que l’on s’occupe de lui. Je ne parlerai pas ici des examens cliniques réalisés par un interne en l’absence d’un proche, qui faute d’information peut entreprendre des examens sans rapport avec l’objet de l’hospitalisation.
Pour éviter de telles situations, il devient impératif de faire accompagner le malade aux urgences par un professionnel de la maison de retraite (nécessité de faire évoluer la réglementation), jusqu’au moment ou un proche ou la famille puisse prendre le relais. Il est aussi indispensable de mettre en place à l’hôpital une orientation spécifique à ce type de malade, car on peut imaginer ne ce qui peut se passer, si on est obligé de changer d’hôpital en raison des soins à apporter à cet Alzheimer. Faute de contraindre l’hôpital ou la maison de retraite à changer ses pratiques, on retrouvera des cas de maltraitance au pénal dans les prochaines années.
Maltraitance institutionnelle par défaut de services adaptés de soins dentaires depuis plusieurs années.
Se brosser les dents, nettoyer quotidiennement son dentier, soigner ses caries et faire procéder à l’extraction des racines qui vous font souffrir représentent l’hygiène de base bucco-dentaire de chacun d’entre nous. Mais ces tâches élémentaires sont très difficiles à mettre en œuvre lorsqu’il s’agit d’un Alzheimer.
On observe en maison de retraite ou à l’hôpital un laisser aller très répandu en matière de soins dentaires. Il est nécessaire de rappeler ici que laver les dents, nettoyer et remettre en place les dentiers des Alzheimers dont ils s’occupent constituent une partie importante des attributions des auxiliaires de vie. Ces soins ne sont pas faciles à réaliser mais ils dépendent surtout de la disponibilité de l’aidant. La brosse électrique est une solution plus facile à mettre en œuvre que la brosse manuelle pour nettoyer les dents d’un Alzheimer.
Comment apporter des soins aux caries dentaires, lorsque cet Alzheimer n’ouvre pas la bouche ? Il n’y a malheureusement pas aujourd’hui de solutions réglementées proposées et la famille assiste à la perte progressive des dents du malade, suite à des caries, avec parfois des épisodes très difficiles à supporter pour les proches, lorsque le malade développe une infection généralisée et souffre pendant plusieurs jours.
Ayant été le témoin de cette situation, il est de plus en plus pénible de voire souffrir un proche en permanence des dents depuis plusieurs années. Le malade porte ses doigts dans sa bouche pour atténuer sa douleur, avec parfois de l’automutilation inconsciente des doigts, de la main ou de l’avant bras.
Aucune solution institutionnelle de la part des pouvoirs publics n’existe actuellement pour répondre au problème de la chirurgie dentaire sur ce type de malade. Il faut menacer de porter plainte contre un hôpital pour qu’un service de stomatologie accepte d’intervenir sous anesthésie pour procéder à une extraction de racines dentaires qui nécessite une hospitalisation particulière.
Que d’énergie dépensée par la famille, pour faire respecter le droit et la dignité de la personne malade ! si certains services de médecine ambulatoire acceptent aujourd’hui d’intervenir sur les dents d’un Alzheimer sous anesthésie générale, ceci reste une exception et les familles sont toujours confrontées à ce problème permanent des soins dentaires dans les services gériatriques ou les maisons de retraite. Ayant évoqué ce problème, il y a quelques années au Conseil de l’Ordre des Dentistes, ce dernier m’avait indiqué qu’il réfléchissait pour trouver une solution. Force est de constater aujourd’hui, que la situation n’a pas évolué. Le service de stomatologie de l’hôpital Sainte Anne qui acceptait d’intervenir sous anesthésie sur certains Alzheimers de la grande couronne parisienne refuse désormais de le faire, en raison de nouveaux règlements dictés par la CRAM.
Les responsables gériatriques et directeurs de maison de retraite pourraient identifier systématiquement une filière de soins dentaires dans leur environnement de proximité afin d’assurer le service et surtout clarifier l’information vers la famille.
Il est totalement scandaleux aujourd’hui de voir l’absence de qualité des services dentaires en gériatrie et en maisons de retraite, quand la famille, suite à de nombreux sacrifices s’acquitte de 1700 à 2500 euros par mois pour que son Alzheimer soit pris en charge. Les maisons de retraite jouissent d’une situation particulièrement intéressante dans notre société ; elles sont rares en Ile de France (4 à 6 mois pour obtenir une place après inscription sur une liste d’attente), elles sont onéreuses et la direction est toute puissante dans ses choix de patients et de familles accueillies. Les services de gériatrie des hôpitaux sont quant à eux dépassés par les problèmes de personnels liés à l’absentéisme et la bureaucratie.
On peut comprendre que soigner un malade qui n’ouvre pas la bouche pose un problème difficile et que l’anesthésie totale n’est pas une solution que l’on peut répéter, en raison du coût et de l’intolérance du malade, mais il est quand même curieux qu’aucune solution n’ait été développée à ce jour pour contraindre un Alzheimer moyennant un appareil à avoir la bouche ouverte pour lui prodiguer des soins de base.
Nous évoquerons enfin pour terminer, le problème de la contention du malade alzheimer que l’on observe encore dans certaines maisons de retraite et certains secteurs gériatriques des longs séjours rattachés aux hôpitaux de l’AP-HP.
Pourquoi attacher un malade alzheimer sur son fauteuil ?
Deux raisons sont évoquées par le personnel : la première tient au malade remuant qui veut bouger et déambuler, la seconde au fait que le malade risque de tomber.
Ces deux arguments ne sont pas acceptables dans 90 % des cas. Ils masquent en réalité le manque de moyens et de disponibilité des personnels aide-soignants et la mauvaise connaissance du suivi médical d’un Alzheimer.
Il me parait nécessaire qu’un malade alzheimer déambule au moins deux fois par jour, car ce comportement qui est caractéristique de cette maladie permet d’une part d’évacuer pour ce malade une partie de son stress inconscient et d’autre part de conserver sa capacité à se déplacer. Forcer un malade en possession de ses muscles et de ses jambes à se tenir assis conduit ce dernier à ne plus pouvoir marcher.
Qui peut faire marcher un Alzheimer en maison de retraite ou à l’hôpital ?
Le conjoint, les enfants ou les amis font en général marcher leur proche. Les auxiliaires de vie sont aussi là pour le faire marcher. Mais la solution médicale institutionnelle passe par le kinésithérapeute qui est la solution pour aider le malade à se déplacer.
Si le modèle économique de la prise en charge d’un Alzheimer en maison de retraite par le kinésithérapeute fonctionne bien, on constate que ceci n’est pas le cas à l’AP-HP où les tarifs du kinésithérapeute entrent dans le forfait soins journalier en long séjour ; souvent à ce titre le kinésithérapeute débordé, ne fait pas marcher un malade qui est maltraité et dans le cas d’une personne seule, celle-ci est laissée à l’abandon sur son fauteuil. S’il s’agit d’une personne jeune et remuante, elle est alors retrouvée attachée sur son fauteuil, ce qui est inadmissible.
Combattre la maltraitance des Alzheimers en institution est aussi important que la dénoncer au domicile.
Il devient nécessaire de donner une plus grande liberté aux associations de résidents face au médecin coordonnateur en maison de retraite ou à l’hôpital ; l’amélioration de la communication entre le personnel médical et les familles est un préalable à toute réduction possible des maltraitances constatées sur le terrain.
Le plus gros problème reste toujours celui des urgences des personnes atteintes de démence qui n’est toujours pas réglementé. La France devient la lanterne rouge en Europe en matière de soins d’urgence vers les Alzheimers. La segmentation actuelle gérontologique par département est complètement inadaptée et contradictoire aux objectifs d’économie et de coûts des services demandés. Vouloir décentraliser des soins par secteur et hôpitaux sans se soucier des services offerts conduit à une absence de soins de proximité pour certaines pathologies. Entre centralisation et décentralisation de certains soins il est nécessaire de rester conscient que l’organisation gérontologique d’un département ne peut être efficace que si celle-ci reste à l’écoute des usagers. Pour les malades de type Alzheimer, il serait nécessaire que le Ministère de la santé définisse des règles de prise en charge aux urgences qui soient connues des maisons de retraite et des institutions d’hébergement.
Les alzheimers sont toujours considérés comme des handicapés ou des personnes âgées dépendantes ordinaires, or ce ne sont pas des handicapés car en état de mort cérébrale* et il faut à ce titre leur reconnaître un autre statut. Il est par exemple, totalement aberrant que la famille d’un Alzheimer disposant d’une carte d’invalidité de la COTOREP (Commission Technique d’Orientation et de Reclassement Professionnel) et encore en vie après 10 ans, soit obligée, suivant la loi de refaire tout son dossier administratif et médical, alors que la personne concernée est en général proche de son décès ; cet état de fait apporte un coût supplémentaire à la COTOREP qui est déjà complètement débordée par les dossiers à traiter (nouveau cas de maltraitance administrative des familles d’Alzheimer).
Il est urgent par ailleurs de réformer le système administratif de fonctionnement de l’AP-HP en Ile-de-France, dont les règles dépendent à la fois du Ministre, de la Mairie de Paris, des enjeux politiques des collectivités locales et peu des usagers (représentation minoritaire des familles dans les conseils d’administration). Si rien n’est réalisé dans ce sens dans les années à venir, le prix d’un lit Alzheimer en Ile-de-France poursuivra sa croissance vertigineuse avec des coûts complètement insupportables pour une famille ayant des revenus moyens.
<Pierre Fèvre-Renault, Alzheimer Accueil 94, 05 septembre 2005>
* la terminologie "mort cérébrale" de l'Alzheimer n'est pas employée ici dans le sens médical du terme ; il n'existe malheureusement pas de terme juridique aujourd'hui pour décrire l'état d'une personne alzheimer ayant perdu la totalité des ses facultés cognitives, on pourra se reporter à l'article de Masahiro Morioka relatif à la mort cérébrale comme vecteur de relations humaines.
M. Pierre Fèvre-Renault, Alzheimer Accueil 94, a envoyé le 1er février 2007 le texte ci-dessous, en réponse à mon interpellation des ministres et candidats de fin 2006 publiée sur le blog de François Bayrou. Précision : j'avais bien essayé de publier mon interpellation sur les blogs d'autres candidats, mais les contributions d'électeurs y étaient soit trop limitées en longueur, soit "modérées" = censurées, soit tout simplement non prévues. J'ai envoyé mon interpellation à tous les ministres compétents d'alors et à plusieurs candidats, aucun ne m'a répondu. Le texte de M. Pierre Fèvre-Renault ayant disparu des commentaires, j'en fais un article parce qu'il reste d'une criante actualité, au moment où l'on parle du travail des soignants, de l'APA et de concertation sur la prise en charge de la dépendance ("5ème risque").
Lettre ouverte aux élus et aux dirigeants de maisons de retraite
pour une meilleure prise en charge des malades de type Alzheimer
Le 22 septembre 2006, Monsieur le Premier Ministre déclarait la maladie d’Alzheimer, grande cause nationale en 2007. Les mesures annoncées sont loin d’être suffisantes pour améliorer les conditions d’accueil des alzheimers en maison de retraite. Si le développement du diagnostic précoce de la maladie, permet une meilleure approche de celle-ci au début, le problème reste entier, quant à la prise en charge au domicile ou en institution.
Fin 2006, la maltraitance institutionnelle des alzheimers en maison de retraite par manque de personnels perdure et mécontente la plupart des familles. La France est dans les derniers rangs des grands pays européens pour le nombre d’aides-soignantes par personne âgée dépendante. Ce sont les alzheimers qui paient en premier, cette carence de personnel.
On dénombre par exemple aujourd’hui en moyenne deux aides-soignantes en charge de faire la toilette de 10 à 13 alzheimers dans une maison de retraite. En d’autres termes avec deux aides-soignantes, il faut quatre à cinq heures pour faire les toilettes de ces alzheimers matin et soir (une toilette dure entre 15 et 20 minutes). Si par malheur, l’aide-soignante est seule, les alzheimers résidents restent cloués au lit, tard dans la matinée, ce qui peut entraîner des esquarres et des infections urinaires. Cette situation constitue une des maltraitances récurrentes des maisons de retraite. La situation est amplifiée pour les alzheimers de moins de 65 ans, fortement dépendants qui nécessitent obligatoirement deux personnes pour faire leur toilette. En effet, une aide-soignante doit lever la personne, la déshabiller, la laver, aider l’infirmière à faire les soins, l’habiller et ensuite faire manger les plus dépendants. C’est une tache épuisante physiquement, que de nombreuses aides-soignantes âgées de 50 ans et plus ont du mal à assumer, tant ces femmes pour une grande majorité d’entre elles, ont développé au cours de leur carrière de nombreux problèmes articulaires.
Une amélioration de la prise en charge des alzheimers en 2007 passe donc obligatoirement par une augmentation du nombre d’aide-soignante, en charge de ces malades en maison de retraite. Pour ce faire, il faut réformer les pratiques administratives actuelles conduisant à cette pénurie d’aides-soignants et à la maltraitance institutionnelle des alzheimers. La tarification trois volets (hébergement, dépendance, soins) découlant du contrat de fonctionnement signé entre maisons de retraite et conseils généraux doit être complètement réaménagée.
L’allocation personnalisée d’autonomie (APA) est aujourd’hui inégalitaire et discriminatoire, elle doit être rapidement réformée pour coller aux réalités de la maladie d’Alzheimer. Aujourd’hui chaque maison de retraite présente chaque année au Conseil Général dont elle dépend, un GIR pondéré moyen en fonction du nombre de personnes âgées dépendantes hébergées. Le GIR pour mémoire représente le niveau de dépendance de la personne accueillie, il va de 1 à 5. En général les alzheimers sont rapidement classés en GIR 1 et 2, c’est à dire très dépendant. La logique voulait que l’allocation attribuée à une personne fortement dépendante (alzheimer GIR 1) et nécessitant plus de soins qu’une autre soit plus élevée que celle attribuée à une personne placée en GIR 3. On constate sur le terrain que ceci n’est pas le cas d’un département à l’autre, et au sein d’un même département. Alors que la déclinaison des GIR devrait entraîner une déclinaison des services de soins apportés par les maisons de retraite en fonction de la dépendance de l’alzheimer et de son classement, on observe souvent que les plus dépendants avec un GIR 1 sont les plus touchés par la maltraitance de l’établissement en raison de l’uniformité des services apportés. Dans ce contexte de pénurie d’aides-soignantes, les directeurs de maisons de retraite sont confrontés à une équation impossible à résoudre : comment avec un GIR pondéré moyen (entraînant un encadrement du nombre d’aides-soignants par les services médico-sociaux du département) peuvent-t-ils répondrent aux demandes répétées des familles en personnels, face aux maltraitances observées. Corriger à la hausse ou à la baisse leur GIR pondéré, réduire la masse salariale, en se séparant des personnels coûtant trop cher, trier les dossiers d’admissions en fonction des caractéristiques de la personne âgée, constituent une partie de leur gestion (le nombre de lits n’est pas extensible !!!) Le passage aux 35 heures explique en partie, la pénurie d’aides-soignantes dans les maisons de retraite, mais ce n’est pas la seule cause. Demander de plus en plus de qualification aux aides-soignantes, pour certaines injustifiées conduit à une raréfaction de l’offre et une augmentation de la masse salariale des maisons de retraite.
L’obtention de l’APA constitue un parcours du combattant pour la famille et sa valeur d’attribution reste opaque. Une fois celle-ci votée, elle fait l’objet d’une ligne de facturation entre le conseil général et la maison de retraite, et la famille perd tout contrôle de son montant dans ce qu’elle reçoit réellement. Pour illustrer l’opacité du calcul de l’APA appliquée par les départements, je citerais pour exemple le cas d’une alzheimer en GIR 1, dont on renouvelait l’APA pour la première fois ; de 11 € par jour, on passait à 2 € par jour à la maison de retraite, pour la prise en charge de sa dépendance (une fois le prélèvement fait pour payer la prise en charge du GIR 4 et 5). Cette situation incompréhensible a entraîné un recours administratif, qui s’est arrêté avant le Conseil d’Etat. La correction à 10 € par les services du Conseil Général, s’est effectuée dans une absence totale de transparence sur le pourquoi et le comment ?
Ce sont les alzheimers qui constitueront avant 20 ans, 90 % de la population des maisons de retraite. L’appellation « maison de retraite ou EPAD (Etablissement pour personnes âgées dépendantes) » doit évoluer et être plus en rapport avec les populations accueillies. Il est anormal aujourd’hui de voir la multiplication des statuts administratifs des résidents en maison de retraite, avec pour corollaire, une augmentation des coûts de gestion s’y rapportant.
Les familles constatent en permanence, un surenchérissement des coûts (3 à 5 % par an, soit près de 1000 € en plus chaque année). La réglementation transmise par les collectivités locales, à partir des directives du Ministère de la Santé aboutissent à une impasse. L’alzheimer en maison de retraite devient une personne gênante et pas bien traitée. Comme on l’a dit précédemment, il existe une absence de transparence dans la prise en charge vis à vis du payeur, à savoir la famille. Rappelons à ce sujet, que c’est aujourd’hui la personne malade et sa famille qui règlent chaque année 22 000 à 25 000 euros par an en moyenne à la maison de retraite pour l’hébergement, hors APA et aide de l’assurance maladie, qui sont versées directement à l’établissement. Une telle somme demandée aux familles, devrait nécessiter des établissements d’être plus à l’écoute de celles-ci, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La création d’associations de familles au sein de ces maisons, imposée par la loi, n’a pas changé la situation des alzheimers, et le regard de la société porté vers ces malades, bien au contraire !
Face à l’augmentation du nombre de malades, l’aide médico-sociale ne pourra qu’exploser, si on ne fait rien pour engager des réformes dans ce domaine, tant sur le plan du financement que dans l’organisation de la prise en charge . Il faut d’ores et déjà penser à d’autres structures où la médicalisation sera minimale, mais où une large place sera faite aux aidants qui partageront avec les professionnels, les problèmes de stimulation cognitive et de fin de vie.
Tout le monde reconnaît aujourd’hui que les effets d’un médicament peuvent retarder l’évolution de la maladie d’Alzheimer, mais personne ne se penche aujourd’hui, sur l’effet de l’approche affective donnée à un alzheimer par un de ses proches, et sur le degré d’évolution de la maladie par rapport à cette approche. On peut affirmer que dans la plupart des cas, un alzheimer abandonné par sa famille meurt beaucoup plus rapidement qu’un alzheimer recevant les soins d’un proche parent. Que se passe-t-il dans le cerveau sur le plan physiologique pour qu’un alzheimer aimé et suivi par les siens réagisse différemment, ce qui entraîne un ralentissement de l’évolution de la maladie ?
Il est urgent de réintroduire le partage dans l’aide aux alzheimers entre professionnels et familles afin que la banalisation de la maltraitance observée diminue et qu’enfin, chacun puisse se dire satisfait des conditions d’accueil. La famille doit avoir la possibilité de participer aux décisions de prise en charge de son malade en maison de retraite. Pour rendre cela possible, il faut que la communication entre directeur, aides-soignants et familles soient améliorée et peut-être institutionnalisée. Combien de familles d’alzheimers n’osent pas dire ce qu’elle pense par peur de représailles sur le résident ? une priorité actuelle est donc l’amélioration de la communication avec les familles. Les deux grands acteurs de la maison de retraite que sont la psychologue et le médecin coordonnateur doivent aussi être beaucoup plus à l’écoute des familles, et ne pas se limiter à intervenir au moment où la situation devient critique. Il est vrai que lorsqu’un médecin coordonnateur travaille aussi dans un cabinet en secteur libéral, il lui est difficile d’assurer le suivi médical individualiser de 30 à 40 alzheimers en maison de retraite. Il est alors préférable d’aller vers le médecin référent du malade plutôt que vers le médecin coordonnateur, compte tenu des relations de confiance qui s’étaient tissées avant l’entrée en institution entre le malade et son médecin.
La presse s’est fait l’écho fin 2006, de l’expérience canadienne Carpe Diem, où le malade partage avec la famille un environnement affectif. Les structures mises en place, grâce à la directrice montre une amélioration dans la qualité des relations malade, soignants et famille. Ceci devrait nous faire réfléchir sur l’évolution actuelle de nos établissements, pour la satisfaction de chacun d’entre nous.
<Pierre Fèvre-Renault - Alzheimer Accueil 94>