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Fils et filles d'Alzheimer ...

... petits-enfants, conjoints/partenaires, parents, amis, soignants et autres proches de malades d'Alzheimer, 

Notre combat : que les personnes frappées par la maladie soient prises en charge avec compétence, humanité et dignité jusqu'au bout.  Partageons ici informations et expériences, bonnes ou mauvaises, qui éviteront peut-être à d'autres certaines mésaventures douloureuses et coûteuses. Voyez avec Carpe Diem ce qui peut se faire quand la volonté existe.  
                                                 

filledAlzheimer@yahoo.fr           <le 22 janvier 2007>  

N.B: Si vous avez du mal à lire sur fond noir, 
il vous suffit de sélectionner le texte pour l'avoir 
en bleu et blanc.

 

11 janvier 2008 5 11 /01 /janvier /2008 19:05

M. Pierre Fèvre-Renault, Alzheimer Accueil 94, a envoyé le 1er février 2007 le texte ci-dessous, en réponse à mon interpellation des ministres et candidats de fin 2006 publiée sur le blog de François Bayrou.  Précision : j'avais bien essayé de publier mon interpellation sur les blogs d'autres candidats, mais  les contributions d'électeurs y étaient soit trop limitées en longueur, soit "modérées" = censurées, soit tout simplement non prévues.  J'ai envoyé mon interpellation à tous les ministres compétents d'alors et à plusieurs candidats, aucun ne m'a répondu.   Le texte de M. Pierre Fèvre-Renault ayant disparu des commentaires,  j'en fais un article parce qu'il reste d'une criante actualité, au moment où l'on parle du travail des soignants, de l'APA et de concertation sur la prise  en charge de la dépendance ("5ème risque").

Lettre ouverte aux élus et aux dirigeants de maisons de retraite 
pour une meilleure prise en charge des malades de type Alzheimer

 

Le 22 septembre 2006, Monsieur le Premier Ministre déclarait la maladie d’Alzheimer, grande cause nationale en 2007. Les mesures annoncées sont loin d’être suffisantes pour améliorer les conditions d’accueil des alzheimers en maison de retraite. Si le développement du diagnostic précoce de la maladie, permet une meilleure approche de celle-ci au début, le problème reste entier, quant à la prise en charge au domicile ou en institution.

 

Fin 2006, la maltraitance institutionnelle des alzheimers en maison de retraite par manque de personnels perdure et mécontente la plupart des familles. La France est dans les derniers rangs des grands pays européens pour le nombre d’aides-soignantes par personne âgée dépendante. Ce sont les alzheimers qui paient en premier, cette carence de personnel.

 

On dénombre par exemple aujourd’hui en moyenne deux aides-soignantes en charge de faire la toilette de 10 à 13 alzheimers dans une maison de retraite. En d’autres termes avec deux aides-soignantes, il faut quatre à cinq heures pour faire les toilettes de ces alzheimers matin et soir (une toilette dure entre 15 et 20 minutes). Si par malheur, l’aide-soignante est seule, les alzheimers résidents restent cloués au lit, tard dans la matinée, ce qui peut entraîner des esquarres et des infections urinaires. Cette situation constitue une des maltraitances récurrentes des maisons de retraite. La situation est amplifiée pour les alzheimers de moins de 65 ans, fortement dépendants qui nécessitent obligatoirement deux personnes pour faire leur toilette. En effet, une aide-soignante doit lever la personne, la déshabiller, la laver, aider l’infirmière à faire les soins, l’habiller et ensuite faire manger les plus dépendants. C’est une tache épuisante physiquement, que de nombreuses aides-soignantes âgées de 50 ans et plus ont du mal à assumer, tant ces femmes pour une grande majorité d’entre elles, ont développé au cours de leur carrière de nombreux problèmes articulaires.

 

Une amélioration de la prise en charge des alzheimers en 2007 passe donc obligatoirement par une augmentation du nombre d’aide-soignante, en charge de ces malades en maison de retraite. Pour ce faire, il faut réformer les pratiques administratives actuelles conduisant à cette pénurie d’aides-soignants et à la maltraitance institutionnelle des alzheimers. La tarification trois volets (hébergement, dépendance, soins) découlant du contrat de fonctionnement signé entre maisons de retraite et conseils généraux doit être complètement réaménagée.

 

L’allocation personnalisée d’autonomie (APA) est aujourd’hui inégalitaire et discriminatoire, elle doit être rapidement réformée pour coller aux réalités de la maladie d’Alzheimer. Aujourd’hui chaque maison de retraite présente chaque année au Conseil Général dont elle dépend, un GIR pondéré moyen en fonction du nombre de personnes âgées dépendantes hébergées. Le GIR pour mémoire représente le niveau de dépendance de la personne accueillie, il va de 1 à 5. En général les alzheimers sont rapidement classés en GIR 1 et 2, c’est à dire très dépendant. La logique voulait que l’allocation attribuée à une personne fortement dépendante (alzheimer GIR 1) et nécessitant plus de soins qu’une autre soit plus élevée que celle attribuée à une personne placée en GIR 3. On constate sur le terrain que ceci n’est pas le cas d’un département à l’autre, et au sein d’un même département. Alors que la déclinaison des GIR devrait entraîner une déclinaison des services de soins apportés par les maisons de retraite en fonction de la dépendance de l’alzheimer et de son classement, on observe souvent que les plus dépendants avec un GIR 1 sont les plus touchés par la maltraitance de l’établissement en raison de l’uniformité des services apportés. Dans ce contexte de pénurie d’aides-soignantes, les directeurs de maisons de retraite sont confrontés à une équation impossible à résoudre : comment avec un GIR pondéré moyen (entraînant un encadrement du nombre d’aides-soignants par les services médico-sociaux du département) peuvent-t-ils répondrent aux demandes répétées des familles en personnels, face aux maltraitances observées. Corriger à la hausse ou à la baisse leur GIR pondéré, réduire la masse salariale, en se séparant des personnels coûtant trop cher, trier les dossiers d’admissions en fonction des caractéristiques de la personne âgée, constituent une partie de leur gestion (le nombre de lits n’est pas extensible !!!) Le passage aux 35 heures explique en partie, la pénurie d’aides-soignantes dans les maisons de retraite, mais ce n’est pas la seule cause. Demander de plus en plus de qualification aux aides-soignantes, pour certaines injustifiées conduit à une raréfaction de l’offre et une augmentation de la masse salariale des maisons de retraite.

 

L’obtention de l’APA constitue un parcours du combattant pour la famille et sa valeur d’attribution reste opaque. Une fois celle-ci votée, elle fait l’objet d’une ligne de facturation entre le conseil général et la maison de retraite, et la famille perd tout contrôle de son montant dans ce qu’elle reçoit réellement. Pour illustrer l’opacité du calcul de l’APA appliquée par les départements, je citerais pour exemple le cas d’une alzheimer en GIR 1, dont on renouvelait l’APA pour la première fois ; de 11 € par jour, on passait à 2 € par jour à la maison de retraite, pour la prise en charge de sa dépendance (une fois le prélèvement fait pour payer la prise en charge du GIR 4 et 5). Cette situation incompréhensible a entraîné un recours administratif, qui s’est arrêté avant le Conseil d’Etat. La correction à 10 € par les services du Conseil Général, s’est effectuée dans une absence totale de transparence sur le pourquoi et le comment ?

 

Ce sont les alzheimers qui constitueront avant 20 ans, 90 % de la population des maisons de retraite. L’appellation « maison de retraite ou EPAD (Etablissement pour personnes âgées dépendantes) » doit évoluer et être plus en rapport avec les populations accueillies. Il est anormal aujourd’hui de voir la multiplication des statuts administratifs des résidents en maison de retraite, avec pour corollaire, une augmentation des coûts de gestion s’y rapportant.
Les familles constatent en permanence, un surenchérissement des coûts (3 à 5 % par an, soit près de 1000 € en plus chaque année). La réglementation transmise par les collectivités locales, à partir des directives du Ministère de la Santé aboutissent à une impasse. L’alzheimer en maison de retraite devient une personne gênante et pas bien traitée. Comme on l’a dit précédemment, il existe une absence de transparence dans la prise en charge vis à vis du payeur, à savoir la famille. Rappelons à ce sujet, que c’est aujourd’hui la personne malade et sa famille qui règlent chaque année 22 000 à 25 000 euros par an en moyenne à la maison de retraite pour l’hébergement, hors APA et aide de l’assurance maladie, qui sont versées directement à l’établissement. Une telle somme demandée aux familles, devrait nécessiter des établissements d’être plus à l’écoute de celles-ci, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La création d’associations de familles au sein de ces maisons, imposée par la loi, n’a pas changé la situation des alzheimers, et le regard de la société porté vers ces malades, bien au contraire !

 

Face à l’augmentation du nombre de malades, l’aide médico-sociale ne pourra qu’exploser, si on ne fait rien pour engager des réformes dans ce domaine, tant sur le plan du financement que dans l’organisation de la prise en charge . Il faut d’ores et déjà penser à d’autres structures où la médicalisation sera minimale, mais où une large place sera faite aux aidants qui partageront avec les professionnels, les problèmes de stimulation cognitive et de fin de vie.

 

Tout le monde reconnaît aujourd’hui que les effets d’un médicament peuvent retarder l’évolution de la maladie d’Alzheimer, mais personne ne se penche aujourd’hui, sur l’effet de l’approche affective donnée à un alzheimer par un de ses proches, et sur le degré d’évolution de la maladie par rapport à cette approche. On peut affirmer que dans la plupart des cas, un alzheimer abandonné par sa famille meurt beaucoup plus rapidement qu’un alzheimer recevant les soins d’un proche parent. Que se passe-t-il dans le cerveau sur le plan physiologique pour qu’un alzheimer aimé et suivi par les siens réagisse différemment, ce qui entraîne un ralentissement de l’évolution de la maladie ?

 

Il est urgent de réintroduire le partage dans l’aide aux alzheimers entre professionnels et familles afin que la banalisation de la maltraitance observée diminue et qu’enfin, chacun puisse se dire satisfait des conditions d’accueil. La famille doit avoir la possibilité de participer aux décisions de prise en charge de son malade en maison de retraite. Pour rendre cela possible, il faut que la communication entre directeur, aides-soignants et familles soient améliorée et peut-être institutionnalisée. Combien de familles d’alzheimers n’osent pas dire ce qu’elle pense par peur de représailles sur le résident ? une priorité actuelle est donc l’amélioration de la communication avec les familles. Les deux grands acteurs de la maison de retraite que sont la psychologue et le médecin coordonnateur doivent aussi être beaucoup plus à l’écoute des familles, et ne pas se limiter à intervenir au moment où la situation devient critique. Il est vrai que lorsqu’un médecin coordonnateur travaille aussi dans un cabinet en secteur libéral, il lui est difficile d’assurer le suivi médical individualiser de 30 à 40 alzheimers en maison de retraite. Il est alors préférable d’aller vers le médecin référent du malade plutôt que vers le médecin coordonnateur, compte tenu des relations de confiance qui s’étaient tissées avant l’entrée en institution entre le malade et son médecin.

 

La presse s’est fait l’écho fin 2006, de l’expérience canadienne Carpe Diem, où le malade partage avec la famille un environnement affectif. Les structures mises en place, grâce à la directrice montre une amélioration dans la qualité des relations malade, soignants et famille. Ceci devrait nous faire réfléchir sur l’évolution actuelle de nos établissements, pour la satisfaction de chacun d’entre nous.

 

<Pierre Fèvre-Renault - Alzheimer Accueil 94>

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