06/04/07
L'authentique et pitoyable mésaventure aux Prud'hommes
d'une vieille dame qui aura 97 ans
en juillet 2007
Mme T. est atteinte de la maladie d'Alzheimer depuis plusieurs années. Veuve, 3 enfants géographiquement éloignés, Mme T. vivait seule à son domicile parisien avec d'abord des aides ménagères, puis la visite quotidienne d'infirmières et l'intervention d'auxiliaires de vie qui l'assistaient pour la toilette, les repas, etc.. Mais son état se détériore et le maintien au domicile devient dangereux. En décembre 2004 elle entre en maison de retraite et intègre l'unité médicalisée Alzheimer dès son ouverture, en février 2005.
Fin 2004, la famille doit donc licencier les aides à domicile dont Mme T. était l'employeur. Une procédure de licenciement est engagée dans les règles. Or une auxiliaire de vie en CDI est en congé parental. L'association intermédiaire (la FOSAD, à Paris), qui a rédigé la lettre de licenciement, affirme que l'auxiliaire a droit, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, au paiement d'un mois de salaire (1304,55 euros d'indemnité compensatrice de préavis + 103,45 euros d'indemnité de congés payés sur préavis = 1408 euros, ce salaire correspondant à 22h30 de travail par semaine).
Précisons que Mme T. touche 1100 euros de retraite mensuelle.
La famille avait cru comprendre, à la lecture des informations affichées sur divers sites Web, que le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis était dû seulement si le préavis n'était pas donné, ou si l'on empêchait l'employé de l'effectuer. Ici c'est l'employée qui s'empêche d'effectuer son préavis puisqu'elle est en congé parental.
La famille refuse donc de payer l'indemnité compensatrice de préavis, tout en cherchant à obtenir des renseignements fiables sur la loi et la jurisprudence (sites Web legifrance, consultation d'avocats, lettres au ministère du travail et aux prud'hommes). Ces recherches vont prendre plusieurs semaines.
Cependant, l'auxiliaire de vie a porté plainte aux Prud'hommes, soutenue par l'association intermédiaire (la FOSAD, à Paris). A noter que celle-ci n'est d'aucune aide pour la famille de Mme T., qui pourtant la rémunère pour établir les documents requis dans le respect du droit du travail.
L'auxiliaire a travaillé 7 mois à raison de 20h par semaine, de septembre 2003 à mars 2004 (+ 9h en avril 2004). Elle a ensuite pris un congé maladie prolongé suivi d'un congé de maternité (au total 8 mois), puis un congé parental depuis le 20/11/04. Elle est licenciée le 21/01/05. Lorsqu'elle saisit les Prud'hommes, cela fait près d'un an qu'elle ne travaille plus chez Mme T.
Mme T. doit payer sa maison de retraite médicalisée Alzheimer, dont le coût dépasse déjà largement ses ressources, même avec l'APA. Doit-elle en plus payer à cette auxiliaire un mois de salaire pour rien ? Sur 8 mois de travail effectif, cela renchérit de 12% le coût de sa prestation.
La famille épuisée souhaiterait éviter le litige. Elle ne veut pas se soustraire à ses obligations légales mais cherche en vain le texte officiel qui régit cette situation. Une recherche dans le code du travail sur Legifrance ne donne rien. Les Prud'hommes, interrogés par fax sur leur jurisprudence, ne répondent pas. Deux avocats censément spécialisés dans le droit du travail, consultés au Palais de justice, disent que la règle générale du préavis s'applique et qu'il faut payer l'indemnité compensatrice. L'Association intermédiaire n'est d'aucun secours, puisqu'elle prétend que l'auxiliaire a droit à l'indemnité compensatrice.
De guerre lasse, la famille baisse les bras et s'apprête à payer, tout en ayant le sentiment amer que Mme T. se fait gruger.
Enfin arrive du Ministère du travail, datée du 28/04/05, la confirmation que la FOSAD a tort et que l'indemnité compensatrice de préavis n'est pas due en cas de licenciement pendant le congé parental.
OUF ! L'affaire semble réglée.
Mais ce soulagement est de courte durée.
L'auxiliaire de vie ne veut rien entendre : l'association intermédiaire lui a dit qu'elle avait droit à cette indemnité, on la lui a toujours payée (c'est son 4ème enfant), et elle maintient sa plainte aux Prud'hommes.
Une réunion de conciliation a lieu au tribunal des Prud'hommes de Paris le 24/05/05, entre la plaignante et le fils de Mme T., puis une deuxième le 01/09/05. En dépit de la jurisprudence et des documents fournis par la famille, la plaignante s'obstine et refuse de retirer sa plainte.
Cependant, la procuration du fils de Mme T. est jugée non valable. Pour pouvoir représenter sa mère au procès, il doit en être le tuteur. La famille est donc contrainte de mettre Mme T. sous tutelle. On n'imagine pas à Paris la stigmatisation que cela représente dans le petit village de naissance où elle a encore de la famille! Sans parler du fait, grave, que Mme T. est désormais privée de son droit de vote.
La mise sous tutelle implique plusieurs mois de démarches administratives, et une charge supplémentaire à assumer puisqu'il y a des comptes à rendre chaque année au juge des tutelles.
Conciliation le 29/03/06 reportée dans l'attente de tutelle.
Tutelle prononcée le (? date à confirmer)
Le 10/11/05, le fils/tuteur de Mme T., suivant les instructions des Prud'hommes, a envoyé à la plaignante les arguments et références dont il disposait, en recommandé avec accusé de réception. Ce courrier, présenté le 12/11/05, lui a été retourné non réclamé le 29/12/05.
Un première convocation au tribunal des Prud'hommes pour le 24/10/06 n'est parvenue à aucune des parties.
Les deux parties sont convoquées à nouveau pour le 27/02/07. Seul le fils/tuteur de Mme T. se présente à l'audience.
Les Prud'hommes vont juger par défaut selon leur jurisprudence constante, pensez-vous ?
Non, ils considèrent que la plaignante n'a pas été avertie et renvoient le jugement au 02/07/07. Jusqu'à quand l'incertitude juridique va-t-elle ainsi durer ?
Le premier juillet 2007, Mme T. aura 97 ans. Elle ignore évidemment tout de cette pénible histoire et c'est heureux pour elle. Quel beau cadeau d'anniversaire en perspective !
En attendant l'issue du litige, voici le conseil d'une famille échaudée :
NE DEVENEZ PAS EMPLOYEUR !
filledAlzheimer@yahoo.fr